IN MEMORIAM

27 janvier 1945- 27 janvier 2015

Il y a soixante-dix ans, le 27 janvier 1945, en progressant vers l’ouest du continent européen, l’Armée rouge « libérait » le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Seuls quelques 7000 survivants se trouvaient encore dans le centre de mise mort. En effet depuis la fin de l’été 1944, les SS avaient commencé l’évacuation des déportés valides vers d’autres camps en l’Allemagne dans des « Marches de la mort » auxquelles peu survécurent.

Le 21 novembre 2005, l’Assemblée générale des Nations-Unies annonça la création de la « Journée internationale dédiée à  la mémoire des victimes de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité ». La date du 27 janvier fut tout naturellement choisie pour commémorer l’événement.

Même si nous considérons, comme le déclarait Jean Kahn, Président de la Commission consultative européenne « Racisme et xénophobie», lors d’un colloque organisé, en juin 1995, par la FNDIRP, que l’on « ne peut pas célébrer la libération des camps parce que les camps n’ont jamais été libérés. Et parce que l’Humanité ne se libérera jamais d’Auschwitz et des camps. Les camps n’ont jamais été libérés, car on ne libère pas un cimetière : Auschwitz et les camps, ce sont d’abord, c’est avant tout le cimetière du Judaïsme européen, et de tous ceux, qui, des titres divers, y ont été exterminés: tziganes, homosexuels, handicapés, résistants, francs maçons, communistes», nous avons estimé nécessaire, en ce mois de janvier 2015, d’évoquer le parcours des personnes recensées comme juives, originaires du Morbihan, réfugiées ou arrêtées dans ce département et déportées en Allemagne partir de juin 1942. Parmi ces déportés, se trouvaient deux fillettes, l’une âgée de 10 ans : Liliane Segal, la seconde âgée de 13 ans: Régine Zwetschkenbaum, et trois adolescents, Théodore Eilstein, âgé de 16 ans, Frida Hanen et Naschum Zwetschkenbaum, âgés de 17 ans.

Après le premier convoi parti le 27 mars 1942 du Camp de Royallieu Compiè gne, convoi qui emportait 1112 juifs, quelques 74 transports allaient se succéder jusqu’au dernier convoi qui quittait Drancy le 17 août 1944, soit au total 43 convois pour la seule année 1942, 17 en 1943 et 14 en 1944. La plupart des convois comprenaient 1000 personnes, les survivants s’élevant à quelques  dizaines pour chaque convoi. Voici les convois qui ont emporté vers les camps de la mort, le plus souvent Auschwitz-Birkenau, les déportés de confession juive originaires du Morbihan, réfugiés ou arrêtés dans ce département.

Convoi n ° 5 parti de Beaume La Rolande le 28 juin 1942

Ce convoi comprenait au moins 1004 personnes: seules 35 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri à Auschwitz se trouvaient :

Salomon Elstein, né le 16 février 1901 en Pologne. Il résidait à Pluvigner en octobre 1940. Nous ignorons où et quand il a été arrê té. Il avait 41 ans lors de son entrée à Auschwitz.

Naftula Wajl, né le 25 janvier 1898 en Pologne, réfugié de Moselle, il résidait à Naizin jusqu’au 28 janvier 1941, où la préfecture du Morbihan lui imposait de se rendre dans le Maine et Loire. Nous ignorons où et quand il a été arrêté. Il avait 44ans. Sa fille, Hélène, née le 14 décembre 1922, était déportée quelques mois plus tard, de Drancy, le 6 novembre 1942, dans le convoi N° 42: elle n’ avait pas encore 20 ans. Son épouse, Sarah Lampel, ne fut pas déportée. Elle mourut à l’Hôtel-Dieu d’Angers, le 26 juin 1943.

Convoi n ° 6 parti de Pithiviers le 17 juillet 1942

Ce convoi comprenait 928 personnes: seules 18 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri à Auschwitz se trouvaient :

Max Zwetschkenbaum, né le 28 janvier 1895 en Pologne, et son fils Nathan , né le 9 juillet 1920 en Pologne. Réfugiés de Moselle, ils résidaient à Naizin, ainsi que l’épouse et les trois autres enfants, jusqu’au 28 janvier 1941, date partir de laquelle la préfecture du Morbihan leur imposait de se rendre dans le Maine et Loire. Tous les membres de cette famille moururent en déportation. Nous ignorons où et quand ils ont été arrêtés. Max et son fils Nathan avaient 47ans et 22 ans lors de leur arrivée à Auschwitz.

Convoi n ° 8 parti d’ Angers le 20 juillet 1942

Ce convoi comprenait 827 personnes: seules 14 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri à  Auschwitz se trouvaient :

Les époux Czyzewski, Szlama, né le 29 septembre 1909 en Pologne, et Héléna, née en juin 1903 en Pologne. Ils résidaient à Malansac, puis à Vannes d’où ils étaient refoulés par la préfecture du Morbihan qui leur imposait de se rendre dans le Maine et Loire. Nous ignorons où et quand ils ont été arrêtés. Ils avaient 32 ans et 39 ans lors de leur arrivée à Auschwitz.

Cyla Ehrenreich, née le 21 mars 1923 en Pologne. Elle résidait à Pontivy jusqu’en janvier 1941, d’où elle partait avec sa famille pour Niort. Nous ignorons où et quand elle a été été arrêtée. Elle avait 19 ans  à son entrée dans le camp. Cyla fut, semble-t-il, la seule personne de sa famille  être déportée.

Chaja Eilstein, née le 20 août 1891 en Pologne, et son fils Théodore Eilstein, né le 22 septembre 1926 en Pologne. Ils résidaient à Pluvigner en octobre 1940 . Nous ignorons où et quand ils ont été arrêtés. Ils n’avaient pas encore 51 ans et 16 ans, lors de leur arrivée à Auschwitz.

Esther Hanen, née Cohen le 15 septembre 1898 à Salonique en Grèce. Commerçante, elle résidait à Larmor-Plage avec sa famille. Les époux Hanen étaient établis dans cette ville, avenue de la Mairie, où ils tenaient un commerce de Bonneterie- confection. Suite au recensement de 1940, le consul de Grèce, D.N Papalexis rappelait aux autorités françaises dans un courrier du 16 janvier 1941 qu’en Grèce : « La loi constitutionnelle ne fait aucune distinction entre les sujets hellènes quelque soit la religion à laquelle ils appartiennent (…)Les ordonnances concernant les entreprises juives ne peuvent s’appliquer à celle de M. Hanen, ressortissant hellène.» Pourtant, du fait de la politique de discrimination antisémite, l’entreprise familiale était mise en liquidation, et sur un stock de 35 000 F et un chiffre d’affaire de 46 390F, les marchandises étaient vendues le 28 juin 1941 à un marchand forain lorientais pour 17 710 F, soit un rabais de 40 %. Esther Hanen était arrêtée le 15 juillet 1942, avec ses filles Laura née le 7 février 1922 à Salonique et Frida. née le 6 février 1925 à Salonique. Selon Roger Le Roux, il s’agirait de la seule famille juive du Morbihan ayant transité par Rennes, le 16 juillet 1942, avant d’ être acheminée vers Angers. Le père de famille, Jacob Hanen, né le 16 octobre 1894 Salonique, était arrêté, lui, le 7 novembre 1942 par les autorités allemandes, et déporté dans le convoi N° 45 parti de Drancy le 11 novembre 1942. De cette famille, seul, le fils Jean, âgé de 23 ans en 1942, semble avoir échappé à la déportation. Lors de leur arrivée à  Auschwitz, Jacob Hanen avait 48 ans, Esther, allait avoir 44 ans, Laura avait 20 ans et Frida 17 ans.

Israël Giske, né le 18 novembre 1890, en Pologne. Il résidait à Lorient en octobre 1940. Nous ignorons où et quand il a été arrêté. Il avait 51 ans lors de son entrée dans le camp.

Pinkus Grinspan, né le 15 juillet 1893 en Pologne comme son épouse Jenny, née Kern, le 8 juin 1907. Le couple résidait à Neuillac d’ octobre 1940 au 5 décembre 1940 d’où il « partait » vers le Maine-et-Loire. Nous ignorons où et quand les époux Grinspan ont été arrêtés. Pinkus avait 49 ans au moment de son entrée à Auschwitz. Son épouse, déportée, elle, de Drancy, le 16 septembre 1942 dans le convoi N° 33, avait 35 ans.

Klara Korn, épouse Selig, née le 27 juin 1913 en Pologne, était réfugiée à Neuillac d’ octobre 1940 au 5 décembre 1940. Nous ignorons où et quand elle a été été arrêtée. Elle avait 29 ans lors de son entrée dans le camp.

Elias Swiatly, né le 13 septembre 1896 en Pologne. Il était réfugié à Lorient en octobre 1940, d’où il était refoulé, sans doute vers le Maine-et-Loire, à une date indéterminée. Nous ignorons où et quand il a été été arrêté. Il allait avoir 46 ans au moment de son entrée à Auschwitz.

Erna Zwetschkenbaum, née le 17 avril 1923 en Pologne, et Naschum Zwetschkenbaum, né le 5 septembre 1925 en Pologne. Ils étaient réfugiés, avec leurs parents, à Naizin en octobre 1940 . Nous ignorons où  et quand ils ont été arrêtés. Erna avait 19 ans, Nashum n’avait pas encore 17 ans quand ils entr rent à Auschwitz

Convoi n ° 11 parti de Drancy le 27 juillet 1942

Ce convoi comprenait 1000 personnes, parmi celles qui ont péri à Auschwitz se trouvait :

Sarah Weintraub, née le 26 avril 1903 en Pologne, elle était réfugiée à Lorient en octobre 1940. Nous ignorons où et quand elle a été été arrêtée. Elle avait 39 ans, lors de son arrivée dans le camp.

Convoi n ° 40 parti de Drancy le 4 novembre 1942

Ce convoi comprenait 1000 personnes: seules 4 ont survécu. Parmi celles qui ont péri à Auschwitz se trouvaient :

Rebecca Ruben, épouse Halper, née le 2 septembre 1876 Veen en Roumanie. Elle demeurait à Vannes d’ octobre 1940 jusqu’au 31 août 1942, avec son fils Isidore, né 11 mars 1908 à Les Lilas, de nationalité française. Rebecca avait 66 ans, lors de son arrivée dans le camp. Isidore qui avait quitté Vannes une date indéterminée, était déporté le 3 février 1944 par le convoi n° 67 parti de Drancy . Nous ignorons quand et où il a été arrêté. Isidore n’ avait pas encore 36 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Nicolas Rosenczveig, né le 27 janvier 1910 Statu Mare en Roumanie. Réfugié à Lorient en 1940, il était arrêté le 10 octobre 1942, Il avait 32 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Saly ou Gaby Wechsler, dite Mitzi Moceanu, née le 1 juillet 1906 en Roumanie. Elle a résidé à  Lorient partir d’ octobre 1940 jusqu’en mars 1942, 2 rue de la Cale Ory. Nous ignorons quand et où elle a été arrêtée. Elle avait 36 ans lors de son entrée dans le camp .

Wolff Zelikovitz, né le 20 mai 1868 Paltava en Roumanie. Réfugié à Lorient en octobre 1940, il était arrêté le 10 octobre 1942. Il avait 74 ans lors de son entrée dans le camp .

Convois n ° 42 et 45 partis de Drancy les 6 et 11 novembre 1942

Ces convois comprenaient, le premier 1000 personnes, le second 745 personnes: seules 6 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri dans ce camp se trouvaient, outre Jacob Hanen et Hélène Wajl déjà  évoqués :

Salomon Rotsculd, né le 4 août 1893 en Pologne. Il s’était réfugié à Neuillac courant 1940, 1941. Puis,  avant le 31 août 1942, il quittait le Morbihan une date et pour une destination inconnues, il avait 49 ans lors de son entrée Auschwitz .

Maria Zwetschkenbaum, née le 28 mars 1895 en Pologne, et sa fille Régine, née le 16 mai 1929 en Pologne. Elles étaient réfugiées à Naizin en octobre 1940 avec le père et les trois autres enfants, déportés eux, dans les convois N° 6 et 8 . Maria avait 47 ans, Régine avait 13 ans lors de leur arrivée à  Auschwitz.

Convoi n ° 47 parti de Drancy le 11 février 1943

Ce convoi comprenait au moins 998 personnes: seules 10 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri dans ce camp se trouvaient :

Gaston Jacob, né le 14 mars 1875 à Lorient où il résidait . Il était gazé à Auschwitz le 16 février 1943, il allait avoir  68 ans.

Max Wajsberg, né le 13 janvier 1899 en Pologne. Ingénieur des Ponts-et-Chaussées, il demeurait 6 rue Thiers à Vannes. Il allait avoir 44 ans lors de son entrée à Auschwitz .

Maurice Zaide, né le 31 octobre 1905 en Pologne. Peintre en bâtiment, il demeurait 14 place de l’Isle à Vannes. Il avait 37 ans lors de son arrivée dans le camp.

Convoi n ° 53 parti de Drancy vers Sobibor le 11 février 1943

Ce convoi comprenait au moins 1008 personnes: seules 5 ont survécu. Parmi celles qui ont péri dans ce camp se trouvait :

Alice Goldgouber, née le 20 juin 1908 à Les Lilas, de nationalité française. Elle résidait Vannes. Elle avait 34 ans au moment de son entrée à Auschwitz.

Convois n ° 55 et 57 partis de Drancy les 23 juin et 18 juillet 1943

Ces convois comprenaient, le premier 1018 personnes, le second 1000 personnes: seules 113 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri dans ce camp se trouvaient :

Lise Jacobson, épouse Kwass, née le 5 janvier 1876 à Vilna en Lituanie, naturalisée française. Elle résidait à I’ Ile-aux-Moines. Elle avait 67 ans lors de son arrivée à  Auschwitz.

Henri Marx, né le 27 janvier 1897 à  l’ Ile-aux-Moines de nationalité française. Il était arrêté le 20 mars 1943, détenu à Vannes puis transféré à Drancy le 30 mars . Il avait 46 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Convoi n ° 67 parti de Drancy le 3 février 1944

Ce convoi comprenait au moins 1214 personnes: seules 26 ont survécu. Parmi ceux qui ont péri dans ce camp se trouvait :

Lazare Corn, né le 23 septembre 1912 à Paris, de nationalité française. Réfugié à Noyal-Muzillac avec son épouse, il y fut recensé en octobre 1940. Il avait quitté le Morbihan avant le 31 août 1942. Il aurait été arrêté à Lyon le 3 février 1944. Il avait 31 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Convoi n ° 68 parti de Drancy le 10 février 1944

Ce convoi comprenait au moins 1500 personnes: seules 52 ont survécu dont Rachel Benzon, née le 3 décembre 1913 à Constantinople. Elle résidait à Port-Maria en Quiberon. et avait été arrêtée lors de la rafle des 4 et 5 janvier 1944 effectuée dans toute la Bretagne.

Selon Roger Le Roux, l’arrivée à Auschwitz, le 13 février , les allemands auraient sélectionné pour le travail dans le camp, 61 femmes et 210 hommes, les autres victimes, dont plus de 200 jeunes gens de moins de 18 ans, étaient immédiatement envoyées à la chambre gaz. Parmi ceux qui ont péri dans ce camp se trouvaient :

Joseph Adato, né le 28 octobre 1920 en Turquie. Il résidait à  Guilliers où  il a été arrêté lors de la rafle du 5 janvier 1944. Il avait 23 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Anthony Fleur, né le 2 octobre 1876 à Besançon, de nationalité française. Il résidait à Quiberon où il était arrêté lors de la rafle du 5 janvier 1944. Il avait 67 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Léa Morharm, épouse Cohen, née le 13 décembre 1889 à Constantinople. Réfugiée à Vannes, elle était arrêtée lors de la rafle du 5 janvier 1944. Elle avait 54 ans lors de son arrivée à Auschwitz.

Lucienne Okrent épouse Segal, née le 1 septembre 1906 à Cracovie en Pologne naturalisée française. Au moment des rafles de l’été 1942, elle avait quitté Paris avec sa fille, Liliane née le 1 août 1934, pour se réfugier chez sa soeur Gisèle Rosenbaum qui tenait un magasin de fourrures, à Lorient. Les bombardements de 1943 sur Lorient les contraignaient à réfugier à Plouay, l’hôtel Bevan,  puis à  l’hôtel du Scorff à Guéméné sur Scorff. Liliane était inscrite à l’école primaire où elle se faisait rapidement des camarades… Le 4 janvier 1944, après avoir consulté le registre des cartes d’alimentation de la mairie de Guéméné, les Allemands faisaient irruption en pleine classe. Devant les fillettes terrorisées, ils réclamaient Liliane Segal et l’emmenaient sur le champ. Quelque temps plus tard, la maîtresse de cours moyen recevait une lettre qu’elle lisait en classe, lettre expédiée probablement de la maison d’arrêt de Vannes où toutes les personnes prises dans la rafle du 4 janvier étaient restées près d’un mois.. Elle était écrite par Liliane qui embrassait toutes ses petites camarades. Celles-ci  ne la reverraient jamais. .. Lucienne Segal avait 37 ans, la petite Liliane n’avait pas 10 ans quand elles ont été arrêtées puis déportées le 10 février 1944.

Abram Markowicz, né le 18 juillet 1887 Piotrkow en Pologne, naturalisé français. Il résidait Lorient, puis se réfugiait Vannes. Pris dans la rafle des 4 et 5 janvier 1944 en Bretagne. Il avait 56 ans, lors de son arrivée à Auschwitz.

Paul Paris, né le 24 avril 1886 Gérardmer de nationalité française. Il résidait Carnac. Il allait avoir 58 ans lors de son arrivée à  Auschwitz.

Ida Grinspan, née à  Paris en 1929, réfugiée dans le Poitou, faisait aussi partie de ce convoi N° 68. Voici des extraits de son témoignage :

« Le 10 février 1944, la police l’a conduite, en autobus, la gare de Bobigny où elle est livrée aux Allemands. Là , dans un wagon bestiaux, de la paille, un petit bidon d’eau, un baquet en guise de tinettes, le voyage dure 3 jours et 3 nuits. Ils sont 60 80 par wagon plombé avec une lucarne. L’eau a manqué, la tinette a débordé, la puanteur est le pire de ses souvenirs de déportation. Des adultes ont mis des couvertures pour faire une séparation. Le train a stoppé le 13 février 1944. Partis le jeudi, ils sont arrivés le dimanche matin. Tous ont poussé un soupir de soulagement. Enfin, on arrive. On a déplombé les wagons, et ce sont les cris, les hurlements des SS, les aboiements des chiens. Raus Schnell. Ida est favorisée parce que ses parents parlaient le yiddish. Quand on ne comprenait pas, on était battu. Ils ont sauté des wagons, dans la neige. On leur a demandé de tout abandonner. Et les provisions données par sa nourrice pour sa mère ? Un SS se tient à la tête de la file des déportés, avec une badine. Les hommes à gauche, les femmes et les enfants à droite. « Ceux qui sont fatigués montent dans des camions, ceux qui peuvent marcher, vous restez l ». Les familles sont séparées. Ida a suivi deux jeunes filles. Elle s’est placée sur le côté et a échappé par miracle à la sélection, grâce à sa coiffure houppette qui la grandissait et à sa bonne mine de campagnarde. Le SS n’a rien demandé. S’il avait demandé son âge…»

Le commandant d’Auschwitz, le S.S. Rudolf Hoess, a raconté lui-même, avec un incroyable cynisme, les scènes auxquelles il assista lors des sélections à l’arrivée au camp :« Nombreuses étaient les femmes qui cherchaient à cacher leur nourrisson dans les amas de vêtements. Mais les hommes du commando spécial veillaient et parvenaient à convaincre les mères de ne pas se séparer de leurs enfants (…). Dans cette ambiance inhabituelle, les enfants en bas âge se mettaient généralement à pleurnicher. Mais après avoir été consolés par leur mère ou par les hommes du commando, ils se calmaient et s’en allaient vers les chambres à gaz en jouant, ou en se taquinant, un joujou dans les bras. J’ai parfois observé des femmes déjà conscientes de leur destin qui, une peur mortelle dans le regard, retrouvaient encore la force de plaisanter avec leurs enfants et de les rassurer. L’une d’elles s’approcha de moi en passant et chuchota en me montrant ses quatre enfants qui se tenaient gentiment par la main pour aider le plus petit à avancer sur un terrain difficile : « Comment pouvez-vous prendre la décision de tuer ces beaux petits enfants ? Vous n’avez donc pas de coeur?»

Selon Serge Klarsfeld, de la France entière, 75 721 juifs ont été déportés, avec l’aide de Vichy, dans le cadre de « la solution finale », soit quelques 24 000 ressortissants français, et plus de 50 000 juifs étrangers vivant en France dont 26 000 polonais. Près de 60 % d’entre eux étaient gazés dès leur arrivée Auschwitz, moins de 4% revenaient en France. Si l’on ajoute les personnes mortes dans les camps d’internement de France, le nombre des disparus s’él èverait 90 000 personnes, soit 25 % des juifs de nationalité française ou réfugiés en France. Enfin, plus d’un million de déportés auraient été assassinés dans le camp d’Auschwitz-Birkenau.

Réfugiés ou arrêtés dans le Morbihan, survécurent à la déportation, Rachel Benzon, Joseph Berdah, né le 5 Novembre 1900 à Tunis, Isidore Cohen, né le 15 janvier 1896 en Syrie. Ces deux derniers, époux d’une « aryenne » , déportés Aurigny, étaient libérés en septembre 1944.

En guise de conclusion, cette citation de Georges Bensoussan extraite de son livre, « Auschwitz en Héritage ? Du bon usage de la mémoire »

 » Les camps sont une expérience majeure de notre modernité. Ils ont ouvert une brèche impossible à  refermer dans la tradition politique occidentale. Le systè me des camps , et ce qui l’a généré, montre l’homme toujours en trop. Ce projet nihiliste n’a pas disparu en 1945. Il s’est transformé. Notre présent reste infesté par ce poison, l’homme y est toujours en trop, comme le manifeste chaque jour l’ordre économique qui nous tient lieu de vie. Les camps marquent l’entrée dans un nouvel âge politique, celui dLes camps sont une expérience majeure de notre modernité. Ils ont ouvert une br che impossible refermer dans la tradition politique occidentale. Le syst me des camps , et ce qui l’a généré, montre l’homme toujours en trop. Ce projet nihiliste n’a pas disparu en 1945. Il s’est transformé. Notre présent reste infesté par ce poison, l’homme y est toujours en trop, comme le manifeste chaque jour l’ordre économique qui nous tient lieu de vie. Les camps marquent l’entrée dans un nouvel âge politique, celui de la fin possible de la civilisation et de l’espèce humaine. C’est en ce sens qu’Auschwitz, catastrophe cardinale du siècle, dépasse le cadre juif identitaire pour poser la question plus générale de la survie de l’humanité libre.

Récapitulatif établi par Katherine Le Port

partir des renseignements contenus dans les listes du Livre Mémorial de la SHOAH ,

ainsi que dans celles du site « Mémoire de guerre/ déportation des juifs 56 »

et dans l’ouvrage de Roger Le Roux « Le Morbihan en guerre »

P.S si vous constatez des erreurs ou des oublis, si vous pouvez nous donner des informations complémentaires sur les dates et les causes des arrestations de personnes déportées ci-dessus évoquées, merci de prendre contact avec nous l’adresse mail suivante : [email protected]

Résistances

-Morbihan